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BRICS+: Redéfinir l'ordre mondial économique et géopolitique ?

Stéphan Le Doaré

Second opus géopolitque après l'OTAN, voici une petite synthèse utile pour comprendre le positionnement des BRICS... Bonne lecture !



L'acronyme BRIC a été utilisé la première fois en 2001 par Jim O'Neill, économiste chez Goldman Sachs, pour désigner quatre économies à la croissance rapide et se trouvant à des stades de développement comparables : le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine.



C'est assez récemment, en 2009, que les dirigeants de ces pays ont commencé à se réunir lors de sommets, puis ont officialisé leurs relations, invitant ensuite l'Afrique du Sud à les rejoindre en 2010. Ce groupe est devenu un acteur majeur sur la scène mondiale, grâce à sa combinaison de ressources naturelles abondantes, de populations dynamiques et de croissance économique soutenue.


Le rôle des BRICS en tant que moteur de l'économie mondiale et son impact croissant sur les questions géopolitiques devenant significatifs, il est donc important de présenter les BRICS dans le contexte de la gouvernance mondiale.

Le rôle des BRICS devenant significatifs, il est important de les présenter dans le contexte de la gouvernance mondiale.

Les BRICS ont gagné en importance en tant qu'acteurs clés de l'économie mondiale, avec leur part combinée dans le PIB mondial en constante augmentation. La part des BRICS dans le PIB mondial (calculée en parité de pouvoir d'achat) est ainsi passée de 20 % en 2003 à 32 % en 2023. Tandis qu'en parallèle, celle des pays du G7 est tombée de 42 % à 30 %. Comme le détaille le graphique, la croissance économique des BRICS est surtout portée par la Chine et par l'Inde - les autres économies du groupe, à l'image des pays du G7, ayant vu leur part dans le PIB mondial diminuer.



Leur influence s'étend également aux affaires internationales, où ils cherchent à remodeler les normes économiques et les structures de gouvernance mondiale. En tant que puissances émergentes, les BRICS défient les paradigmes traditionnels en matière de commerce, d'investissement et de développement, suscitant un intérêt accru et une réévaluation des relations internationales. Cette montée en puissance des BRICS marque un tournant significatif dans le paysage économique et politique mondial, avec des implications profondes pour l'ordre mondial établi.



Les BRICS+ trouvent leurs racines dans les efforts de coopération économique initiés par le groupe BRICS originel, formé en 2001. Initialement, le groupe des BRICS comprenait le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et plus tard, l'Afrique du Sud. Leur formation découle d'une reconnaissance mutuelle des similitudes économiques et des intérêts communs face aux défis mondiaux. La nécessité de réformer les institutions financières internationales et de renforcer leur poids dans les négociations commerciales mondiales a été un moteur majeur de leur coopération. Cette évolution historique reflète l'aspiration des BRICS+ à jouer un rôle plus influent dans la gouvernance économique mondiale.

Au fil du temps, les BRICS ont élargi leur portée en accueillant de nouveaux membres. Lors du sommet de Johannesburg, 15e sommet des BRICS, organisé en août 2023, le groupe a annoncé un élargissement inédit. Ainsi, au 1er janvier 2024, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Iran, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont intégré officiellement le groupe…


Cet élargissement reflète la volonté du groupe de diversifier ses partenariats et d'englober davantage de puissances émergentes dans sa vision commune. Les dynamiques internes ont également évolué, avec des ajustements dans les priorités et les stratégies des membres, tout en préservant leur engagement envers la coopération économique et politique. Ces changements de dynamique illustrent la résilience et l'adaptabilité des BRICS+ dans un paysage mondial en constante évolution. Avec l'inclusion de ces nouveaux membres, les BRICS+ représentent désormais une part importante de l'économie mondiale, représentant environ 36 % du PIB mondial en parité de pouvoir d'achat et englobant environ 47,3 % de la population mondiale. Le groupe élargi comprend certains des plus grands producteurs et consommateurs d'énergie au monde. Cela comprend environ 32 % de la production mondiale de gaz naturel et 43 % de la production de pétrole brut. L’ajout de ces pays pourrait créer un nouveau système d’échange d’énergie fonctionnant en dehors des systèmes financiers et des sanctions occidentaux.

D’un point de vue géopolitique, les BRICS+ soulignent la nécessité d'un Conseil de sécurité des Nations Unies réformé pour mieux refléter les intérêts des économies émergentes et tendent à remettre en question la domination des institutions dirigées par l’Occident comme la Banque mondiale et le FMI.


L'analyse économique des BRICS+ met en lumière la robustesse de leurs économies, représentant une part significative du PIB mondial. Ces pays affichent une croissance économique soutenue, tirée par des investissements massifs dans les infrastructures et l'innovation. Leurs échanges commerciaux internationaux sont dynamiques, reflétant leur rôle croissant dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Les BRICS+ jouent aussi un rôle important dans le système financier mondial, avec la création de la Nouvelle Banque de Développement (NBD). La NBD est inaugurée officiellement le 15 juillet 2014 à l'occasion du 6e sommet des BRICS qui s'est tenu à Fortaleza au Brésil. Le Bangladesh et les Émirats arabes unis en deviennent membres en 2021, l'Égypte en 2023. Cette montée en puissance économique a conduit à une augmentation du poids de ces acteurs dans les marchés financiers mondiaux, avec une influence croissante sur les décisions de politique monétaire et les flux de capitaux. Aujourd’hui, on note cependant un ralentissement de l’impact de cette création, la NBD semblant avoir du mal à trouver ses financements.


En tant que bloc économique majeur, les BRICS+ contribuent également à la diversification des devises de réserve, offrant une alternative aux monnaies traditionnelles. Leur influence grandissante dans le système financier mondial reflète leur transition vers une position de leadership économique à l'échelle mondiale.


Sur le plan démographique, on retrouve trois géants, l’Iran, l’Égypte et l’Éthiopie (plus de 300 millions d’habitants à eux trois), tandis que les Émirats arabes unis comptent moins de 10 millions d’habitants. Sur le plan économique, trois des dix premiers producteurs mondiaux de pétrole, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran, viennent rejoindre la Russie qui occupe en 2023 le 2e rang mondial (source). À côté de ces puissances pétrolières, on trouve aussi l'Éthiopie, un pays certes en forte croissance mais très pauvre, 175e sur 191 au classement mondial de l’IDH (source ONU) et classé parmi les pays les moins avancés. Il semble de prime abord dépasser les tensions géopolitiques en accueillant simultanément les deux ennemis du golfe Persique, Iran et Arabie Saoudite, ce qui aurait paru impensable il y a peu, mais cela pourrait à terme se révéler problématique.


Les BRICS+ ont aussi démontré une convergence de vues sur plusieurs questions internationales majeures, comme le changement climatique, le commerce mondial ou la gouvernance mondiale. En s'alignant sur des positions communes, telles que la nécessité de politiques environnementales robustes et d'une action concertée pour lutter contre le changement climatique, ils ont amplifié leur voix collective sur la scène mondiale. Leur coopération dans le domaine du commerce mondial vise à promouvoir un système commercial plus équitable, en contournant les obstacles traditionnels. Cette unité d'action renforce leur influence politique et géopolitique, faisant des BRICS+ un acteur clé dans la définition de l'agenda mondial.


Les BRICS+ entretiennent des relations diverses avec d'autres grandes puissances mondiales et organisations internationales, marquées par des alliances stratégiques, des rivalités et des coopérations pragmatiques. Ils cherchent à renforcer leurs liens avec des acteurs clés tels que les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, tout en développant des partenariats avec des organisations telles que l'ONU, le G20 et le FMI. Ces relations reflètent la volonté des BRICS+ de jouer un rôle constructif dans les affaires internationales, tout en protégeant leurs intérêts nationaux.

Au niveau régional, leur influence croissante remodèle les dynamiques politiques et économiques, offrant de nouvelles opportunités de coopération mais suscitant aussi des tensions avec les acteurs établis. Sur la scène mondiale, leur émergence remet en question l'hégémonie occidentale, promouvant un ordre mondial qu’on présente multipolaire avec leur montée en puissance.

Ce groupe offre aussi un terrain fertile pour la coopération et le partenariat entre leurs membres, grâce aux ressources complémentaires, aux marchés dynamiques et aux ambitions communes des pays qui le composent. Ces opportunités incluent la collaboration dans des secteurs clés tels que l'innovation technologique, l'infrastructure, l'énergie et le commerce intra-BRICS+ tout ceci supporté par la Nouvelle Banque de Développement.


Que ce soit la Chine ou l’Inde qui ont des ambitions de développement, ou le Brésil qui ne se reconnait pas d’ennemi extérieur, leur croissance entraine de facto une augmentation de leur capacité de défense.


Les BRICS ont trois attributs communs qu’il convient de souligner :

  1. Ce sont des puissances continentales qui développent des forces marines, traduisant une vocation de projection de puissance régionale et/ou globale.

  2. Elles investissent résolument les nouveaux horizons extra-atmosphérique et cybernétique, pour des raisons, non seulement stratégiques, mais aussi économiques, de souveraineté et de prestige.

  3. Leurs stratégies incluent à des degrés divers une dimension « A2/AD» visant à dissuader toute velléité d’intervention extérieure (États-Unis pour la Chine, Chine pour l’Inde dans une certaine mesure, purement théorique dans le cas du Brésil)

 

Il semblerait que les membres des BRICS ne souhaitent pas vouloir former un nouveau bloc de sécurité mais plutôt un forum de coordination.

 

Pour autant, en combinant les ressources militaires des membres du BRICS+, on obtient une force significative à l'échelle mondiale, représentant environ 16,6 millions de personnel militaire, près de 13 800 aéronefs, environ 23 000 chars de combat, et plus de 2 700 navires. Cette coalition possède également une importante capacité économique avec des dépenses militaires totalisant environ 555 milliards USD.



Cette force collective pourrait potentiellement remodeler les dynamiques géopolitiques mondiales, en particulier dans les domaines de la défense, de l'énergie et du commerce.

Bien qu’un rapprochement ait été tenté par le Président Macron en 2023 en vue d’une volonté de diversification et de renforcement des alliances internationales, relayé par la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna lors d'une visite officielle en Afrique du Sud en juin 2023, celui-ci s’est soldé par un échec, avec des réponses variées mais tranchées des BRICS.

La puissance militaire combinée des BRICS surpasse de loin celle de la France en termes de nombre (16 millions de soldats pour les BRICS+ contre 270 000 soldats d’active en France) et de ressources (environ 555 milliards USD pour les BRICS+  contre 50 milliards USD pour la France) . La France reste cependant une puissance militaire significative avec des capacités avancées et une forte intégration dans des alliances militaires occidentales. La souveraineté française n'est pas directement menacée par les BRICS, mais le bloc des BRICS+ pourrait influencer l'équilibre des pouvoirs mondiaux et poser des défis stratégiques à long terme.


En conclusion, les BRICS+ sont destinés à jouer un rôle de plus en plus important dans le paysage géopolitique mondial. Leur croissance économique continue, leur influence politique croissante et leur capacité à promouvoir la coopération internationale les positionnent comme des acteurs incontournables dans la redéfinition de l'ordre mondial. En consolidant leur unité et en surmontant les défis internes et externes, les BRICS+ pourraient peser de plus en plus sur les normes et les politiques mondiales. Toute la question est de savoir si les intérêts de chacun, assez éloignés, passeront toujours après l’intérêt commun que représente cette coalition, au fur et à mesure de la croissance.


Stéphan Le Doaré


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