Pour contrôler les budgets alloués à l'énergie, l'Europe a mis en place un certain nombre de critères. Le principe est de faire rentrer dans le cadre des projets financés les énergies dites "vertes" comme l'éolien, le solaire, le géothermique. La taxonomie européenne désigne donc une classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l'environnement. Avec cette "taxonomie verte", les industriels sauront s'ils rentrent bien dans les critères de financement alloués par l'Europe...
Dans la première mouture du texte présenté au parlement européen, les questions du gaz et du nucléaire ont été repoussées, pour faire l'objet d'une seconde réflexion. La commission estimait ne pas avoir assez d'éléments pour statuer. Après un petit camouflet fin 2021 (le second projet ayant été envoyé aux états membres largement avant les députés, certains estiment n'avoir pas eu le temps de répondre à ce vote), le gaz et le nucléaire ont finalement été intégrés au projet. Mais le vote final pourrait être bloqué par les députés mécontents, risquant de repousser encore certaines décisions d'investissement.
Le véritable objectif sera en fait de tracer les flux d'argent investit dans l'économie "verte" pour mesurer leur impact environnemental et pouvoir taxer les entreprises ne respectant pas le cadre.
Ceci étant posé, regardons quelques enjeux géopolitiques.
On sait que l'Allemagne de Merkel a renoncé au nucléaire pour se tourner vers des énergies "renouvelables" (majoritairement l'éolien, une énergie intermittente et peu productive). Or, malgré des expérimentations, il n'existe pas de moyen de stocker l'énergie électrique. En clair, l'électricité utilisée est produite "en direct". Comble de l'ubuesque vert, ce pays est donc contraint de réouvrir des centrales au lignite (un charbon de surface de piètre qualité) et des mines à ciel ouvert, les plus nocives pour l'environnement et le climat et qui tuent des milliers de personnes. L'Allemagne importe aussi du gaz (Russe) également bien plus polluant que le nucléaire en terme d'émission carbone. Quand au parc éolien en place, il ne couvre même pas la production attendue sur le papier (pas assez de vent, chiffres de production gonflés par les lobbies...). Sans parler du coût de l'électricité pour les ménages allemands, qui paient le KWh le plus cher d'Europe, à 30,9 centimes, soit près de deux fois plus cher qu'en France où il est à 17,8 centimes.
Les manoeuvres des politiciens français :
Du côté de la France, pour récupérer les voix des écologistes à l'élection présidentielle de 2012, François Hollande leur promet de "s'occuper" du nucléaire en signant un "contrat de mandature" qui proposait de réduire la part du nucléaire dans la fameux "mix énergétique" français de 75 à 50% et la fermeture de 24 des 58 réacteurs en fonctionnement avant 2025.
La 41eme proposition du candidat Hollande a été actée et ces bons politiciens, Martine Aubry en tête, ont choisi de s'attaquer à la "plus vieille" centrale de France, Fessenheim. Preuve de leur incompétence s'il n'en était, une "vieille" centrale par l'âge n'en est pas forcément une par l'outil industriel.
Preuve de leur incompétence s'il n'en était, une "vieille" centrale par l'âge n'en est pas forcément une par l'outil industriel.
De plus, suite à l'accident de Fukushima, toutes les centrales françaises devaient renforcer leur sécurité par des travaux spécifiques qu'on appelle "le grand carénage". La centrale de Fessenheim avait déjà entamé une première tranche de ces travaux qui permettent de gagner 10 ans de vie supplémentaire. Et Fessenheim, c’est 70% de l’électricité alsacienne, 800 agents EDF, 2.000 emplois directs et indirects, 14 millions d’euros par an de recettes fiscales pour les collectivités locales. Une paille...
Si on compare le coût électrique d'un maintien en production à celui de l'éolien off-shore, dossier lancé par Nicolas Hulot juste avant sa démission, le nucléaire est 10 fois moins cher que l'éolien, au minimum. On a donc fermé un outil qui fonctionnait, qui n'avait pas de problème majeur, qui dégageait des profits, simplement par manoeuvre politique.
Macron, se saisissant du dossier, poursuivra cette oeuvre noire, fermera Fessenheim (c'était une de ses promesses de campagne) mais, malin, se débarrassera de la patate chaude, repoussant l'arrêt de douze réacteurs supplémentaires de 2025 à 2035, soit dix ans plus tard selon le vieil adage "après moi, le déluge".
Macron fermera Fessenheim mais, malin, se débarrassera de la patate chaude, repoussant l'arrêt de douze réacteurs supplémentaires de 2025 à 2035 !
Il faut comprendre qu'en France, politique et Nucléaire sont liés (cf SuperPhoenix). La France doit donner des gages au voisin Allemand, rétif au nucléaire et aux alliés écologiques.
Cette politique désastreuse a plusieurs conséquences. D'abord une certaine perte de la connaissance dans les métiers du nucléaire fait que la France risque de ne plus être compétitive pour la construction de nouvelles centrales. Cette perte du "métier" explique en partie les difficultés actuelles de l'EPR de Flamanville. Ironie du sort, c'est un pays auquel nous avons apporté cette technologie, la Chine, qui investit aujourd'hui le marché européen ! De plus, à force de tergiverser et comme l'a fait remarquer l'Autorité de Sûreté Nucléaire, ce "manque d'anticipation" conduit à une absence de marges de manoeuvre dans le renouvellement du parc. Il faut savoir qu'il nous faut 15 ans actuellement pour mettre en service une centrale nucléaire.
Car oui, il va bien falloir renouveler le parc de centrales avant 2050, qu'on soit pour ou contre un mix énergétique à 50%. De nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui contre cette réduction du nucléaire qui ne semble pas non plus tenable face à l'accroissement futur des demandes en électricité. Le numérique, les voitures électriques, l'industrie sont autant de consommateurs importants, sans compter que la transition énergétique nous imposera d'électrifier nos usages pour limiter nos émissions de CO2. Le fait de baisser le pourcentage du nucléaire augmenterait automatiquement nos importations en gaz, augmentant donc l'empreinte carbone de la France et le prix de l'électricité. Cette hausse des prix est de toute façon inévitable vu le retard structurel pris par la France sur ce sujet. Pire, pour cacher cette flambée des prix, on voit aujourd'hui Macron forcer EDF à réduire drastiquement ses bénéfices pour que ses prix soient contenus jusqu'aux présidentielles, mais ne rêvons pas, nous allons devoir passer à des moyens de production électrique moins rentables, la flambée arrivera. Et même en se lançant dans un plan de reconstruction de centrales, le temps manque.
Du côté Européen, malgré la montée au créneau des députés, la ministre de l'écologie LREM Mme Pompili a continué à prôner cette baisse imbécile de la part du nucléaire, freinant d'autant la filière.
Mme Pompili a continué à prôner cette baisse imbécile de part nucléaire.
En 2050, nous devront fermer des centrales arrivées en fin de vie. Hollande, Macron, Aubry, Pompili, et bien d'autres auront été responsables des augmentations inconnues d'une électricité achetée pour partie à l'étranger.
Si nous ne lançons pas de nouvelles constructions de centrales, la demande croissante d'électricité fera monter les prix d'achat d'une denrée devenue rare. A terme, nous auront perdu notre souveraineté énergétique, ses dividendes financiers et la capacité à fournir un bas prix électrique à une filière industrielle que nous souhaitons relocaliser.
De leur côté, les chinois construisent moulte centrales (avec des technologies françaises copiées et certaines même améliorées (logiciels de gestion de centrale)), les américains et les Russes construisent des centrales nucléaires. Américains, Chinois et Russes investissent même massivement dans de nouvelles technologies de réacteur (SMR, MSR,etc...) tandis que la France est bloquée par nos chers gouvernements qui parlent de taxonomie dans une Europe en perte totale de sens.
Il faut quand même réaliser ici la vision étriquée et égoïste de ces politiciens qui ne manoeuvrent visiblement que par intérêt personnel à court terme.
Bref, vous l'aurez compris, il serait temps de re-nucléariser.
Stéphan Le Doaré
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