L’expérience était intéressante. De passage à Paris, je retrouvais ma soeur cadette qui me proposait de passer la nuit chez elle. On ne s’était pas vus depuis longtemps et nous pourrions ainsi échanger un peu samedi matin avant que je reparte dans le sud. De son côté, elle habite avec son mari au Luxembourg et passe fréquemment à Paris où ils ont gardé un charmant pied à terre pour leurs affaires parisiennes. Nous étions donc ravis de nous retrouver.
Évidemment, nous parlons de la sortie de mon nouveau roman. Mon beau-frère, très pragmatique, propose d’immédiatement le commander. J’explique alors que j’ai « vendu mon âme au diable » en participant à un concours sur Amazon : « Les Plumes Francophones 2018 », parrainé par Bernard Werber. Ayant participé à une Masterclass d’écriture avec ce célèbre romancier, l’idée de ce roman avait germé en pleine séance et j’en avais dressé le plan dans le TGV qui me ramenait alors à Marseille. Je ne pouvais donc pas passer à côté d’une participation à un tel concours, tant du point de vue « challenge » que pour marquer symboliquement cette réalisation. Contractuellement, je m’engageais donc à publier « NeoCortex » sur Amazon, en version papier et Kindle, et uniquement sur ces deux formats, durant toute la période sur laquelle se déroule ce concours. J’expliquais cela à ma soeur qui prit alors son mobile, direction le site d’Amazon pour une commande.
Elle a d’abord essayé de trouver le roman en tapant le titre : rien n’apparut. Même en tapant mon nom (qui « sort » quand même normalement au minimum mon roman précédent) on ne trouvait aucune information. C’est alors qu’elle se rendit compte qu’elle effectuait sa recherche à partir de son téléphone luxembourgeois, donc à partir d’un opérateur étranger. Je lui proposais de tester alors « www.amazon.fr » à partir de ce téléphone : ce fut un nouvel échec. En désespoir de cause, elle se saisit de son téléphone à puce française et la nouvelle recherche montra immédiatement « NeoCortex » en tête de page.
J’imagine bien que le site générique d’Amazon (le .com) peut ne pas référencer « NeoCortex » en première page, je comprends bien l’idée. Mais clairement, j’étais totalement absent, tant pour mes livres que pour une recherche par nom. Éliminé de cette base de donnée. Et malgré plusieurs mots-clé, rien à faire, j’étais inconnu au Luxembourg.
Une chose est de savoir que les GAFA nous fournissent des recherches biaisées, une autre est de le vivre. J’avais le sentiment que nous étions de petits cerveaux, de petites identités numériques, toutes bien sagement rangées dans des bases de données bien segmentées. Les GAFA nous gavent de la nourriture qu’ils ont décidée. Nous pensons avoir un choix qui n’existe en fait pas.
Ce samedi matin, dans ce jardin et devant mon café, j’ai su que j’avais vendu mon âme au diable !
Stéphan Le Doaré
@stephanledoare
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