Le terme "Politique" définit la relation au Pouvoir d'hommes et de femmes, généralement élus dans une démocratie. Ces personnes ont la charge de porter la voix de leurs électeurs pour faire avancer les affaires de la cité. L'avènement des démocraties occidentales durant le XXème siècle a consacré la fonction, encore plus dans la Vème république plus particulièrement construite en France autour de la personne du chef de l'Etat et en l'occurence, du grand Charles.
Ce système a fonctionné un temps mais force est de constater que le terme de "Politique" est de plus en plus compliqué à comprendre dans la bouche de nos justement nommés politiciens.
D'abord, notons que le pouvoir législatif qui votait les lois (Assemblée Nationale et Sénat) réalisait un travail qui ne transpirait pas la communication qui est de mise aujourd'hui. L'avènement des réseaux sociaux a donné une importance médiatique à de nombreux personnages qui, force est de le constater, n'avaient pas la stature, la droiture, l'éthique de nos anciens hommes politiques. Et depuis les dernières élections législatives, on peut dire qu'on atteind un sommet dans le niveau minimum de connaissances que nécessite cette fonction (c'est, du moins, mon humble avis), dissolvant la crédibilité nécessaire qui va de pair avec la notion de pouvoir. Du côté du Sénat, le mode de scrutin par tiers tous les quatre ans, par le vote de grands électeurs, rend cette institution plus lente à la manoeuvre, avec une latence structurelle dans le renouvellement de ses élus. Néanmoins, il est à parier que les futurs sénateurs suivront cette tendance qui consiste à se transformer en communiquant plutôt qu'en véritable homme politique.
De même, l'exécutif suit cette règle qui veut qu'à chaque évènement, tel ou tel ministre se rend "sur le front" face aux caméras pour gagner la seule bataille qui semble encore valoir la peine à leurs yeux, celle de la communication. Jusqu'au Président de la République, qu'on retrouve même sur ... TikTok... La crédibilité du politique, je vous disais...
De son côté, le quatrième pouvoir, le pouvoir médiatique, en sort grandi et devient un enjeu de pouvoir important. Si l'on revient à la définition, la politique porte cette notion de pouvoir. Et par voie de conséquence, les médias sont aujourd'hui des organes de pouvoir certains. Et qui dit pouvoir dit donc réflexions diverses telles que "liberté" de la presse, prise de parti politique dans des interviews, portée des messages politiques, etc... sans compter la propriété des organes de diffusions, par exemple tous étranger en ce qui concerne les réseaux sociaux numériques
Mais la fin de l'existence de l'homme (ou de la femme) politique n'est pas là. Cette notion occidentale de représentation par le peuple et pour le peuple ne prévaut pas dans d'autres parties du monde. La Chine, la Russie, l'Inde et plus généralement des continents tels que l'Afrique, l'Amérique du Sud, ont de la démocratie une vision plus ou moins différente de celle des occidentaux. Ceci ne posait pas tant de problèmes durant l'avènement de l'Occident qui tirait alors parti de sa situation de rente sans trop se soucier du futur, assis sur sa domination. Mais voila, aujourd'ui, les cartes géopolitiques sont rebattues. Disons même que le paquet est tombé par terre et que les cartes sont éparpillées. La multi-polarisation du monde transforme les relations internationales. Les imbrications, tractations, arrangements ou guerres économiques sont en pleine transformation.
La géopolitique, science qui étudie le rapport entre la géographie et la politique des états, voit bien cette multipolarisation. Les Etats-Unis tentent toujours de conserver leur puissance monétaire, déstabilisent des régions comme ils l'ont toujours fait, poussant des pions de joueur d'échec un peu brutal. Le chinois, plus subtil, joue au Go avec le monde, pose ses pierres commerçantes, prend des territoires et en laisse d'autres dans un arrangement qu'on comprend bien sur un Goban (plateau du jeu de Go). L'Inde, l'Indonésie, le Brésil apparaissent comme des acteurs dont la voix commence à se faire entendre, de même que les autres BRICS. Les changements de posture dans le Proche et Moyen-Orient (Maroc, Algérie, Iran, Israel, Arabie Saoudite, etc..) montrent là aussi un affranchissement de cette relation à l'Occident qui était autrefois comme une norme. Tous ces pays plus ou moins émergeants se rapprochent par le biais de l'économie. Les peuples veulent se hisser au niveau des occidentaux et, pourquoi pas, les dépasser. De nouvelles toiles économiques se tissent, des liens se font et d'autres se défont, mus plus par ce désir économique que par celui d'un idéal politique issu de la population. La géopolitique s'analyse aujourd'hui très majoritairement en géo-économie. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter un géopolitologue pour comprendre que oui, les mouvements sont économiques. Les peuples migrent, se battent, s'entendent, non pas sur une idée du "vivre ensemble" mais bien du "commercer ensemble". C'est d'ailleurs finalement une adaptation chinoise, peuple de commerçants, de notre ancien mode de fonctionnement en démocratie, issu lui du siècle des "lumières".
La nouvelle donne, l'économie, tirée par des locomotives qui vont dépasser l'Occident fait alors légitimement se poser cette question : à partir du moment où tout est Économie, reste-t-il une place au Politique dans son sens traditionnel ? Pourquoi n'avons-nous que des "hauts fonctionnaires" en tant que décideurs, ou au mieux des VRP qui s'affairent pour vendre au monde, finalement, nos derniers savoir-faires ?
Tout simplement parce que la grande majorité de ce nouvel ordre mondial qui se construit devant nos yeux n'est pas l'avènement de la voix du peuple mais bien celle de l'économie maximisée pour les gros et l'envie de faire partie du jeu pour les petits. Certaines entreprises ont désormais plus de trésorerie que le PIB de certains États. Leur pouvoir, attribut autrefois donné au politique, est aujourd'hui plus important.
Ainsi, les décisions dites politiques, vues sous le prisme de l'Économie, s'expliquent toutes bien mieux dans notre Occident vieillissant.
Pour autant, ce n'est pas plus réjouissant car il reste un élément de pouvoir dont je n'ai pas parlé et qui est pourtant partie intégrale dans l'équation: les armées. Et si les uns commercent et tirent parti de ce marché mondial, d'autres risquent fort de ne pas être d'accord pour perdre le leadership. Leur seule façon de reconquérir le pouvoir pourrait alors venir de ce moyen vieux comme le monde: la force.
Stéphan Le Doaré
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