En ces temps de télétravail et de confinement, l'apprentissage est, malgré tous les efforts du corps enseignant, mis à mal. Le distanciel éloigne les étudiants des formateurs, isole les plus fragiles, contraint les enseignants à maitriser des outils de communication qui les forcent à sortir de leur zone de confort. Du côté des entreprises ou des services publics (santé, police...), la formation professionnelle est aussi compliquée. Ainsi, formation initiale et formation continue sont logées à la même enseigne, confrontées à des problématiques semblables : adapter très rapidement leurs méthodes dans ce contexte de pandémie.
Dans le déroulé des apprentissages, on peut remarquer un phénomène lié à l'avancée des techniques et des technologies, qui a tendance à s'accroitre à mesure que le monde innove et qui pose question quand il s'agit de réfléchir à la mise en place de systèmes d'intelligence artificielle dans les entreprises ou les institutions.
À partir du moment ou une technologie est introduite entre le formateur et l'apprenant, elle déclenche un éloignement des deux parties. Un bon exemple est celui de l'interne en médecine qui apprend le geste chirurgical avec son mentor. La pratique à quatre mains permet de corriger rapidement les erreurs, de bien suivre sa formation, d'apprendre avec le meilleur.
À partir du moment ou une technologie est introduite entre le formateur et l'apprenant, elle déclenche un éloignement des deux parties.
Avec l'arrivée des bras-robots, le professeur se retrouve face à un écran, dos au malade, avec la possibilité d'aller bien plus vite ou d'être bien plus précis dans ses gestes. Il peut même être happé par l'intérêt technologique représenté par cette avancée, réussissant des opérations qu'il n'aurait jamais cru possibles. Du côté de l'interne, un éloignement apparait. Il n'est plus convié à intervenir comme avant, il est invité à assister plus qu'à opérer lui-même. Plusieurs théories sur la formation ont montré l'importance du "faire soi-même" dans les apprentissages. Cette façon d'apprendre est d'ailleurs très ancienne. Ici, la technologie met l'élève sur le banc de touche et l'éloigne, encore une fois, du maître.
Dans ces conditions, les plus motivés des élèves ont tendance à glisser dans une autre forme d'apprentissage, l'apprentissage fantôme. L'interne en chirurgie va se tourner vers des personnels moins "compétents" dans son domaine, mais qui lui permettront de rester à la "limite de savoir" dont il a besoin pour apprendre.
La technologie, et plus encore l'apparition de l'I.A., pousse à l'apparition de l'apprentissage fantôme, dans des formes connues, mais aussi, plus surprenant, dans des formes nouvelles.
La téléformation induite par le confinement entraine les élèves vers de nouvelles recherches. Bien évidemment, l'apprentissage fantôme s'applique surtout à celles et ceux en quête de savoir et qui veulent rester à la limite de leurs connaissances.
D'une part, les enseignants accaparés par la technologie (soit parce qu'elle leur permet mieux (i.e le professeur de chirurgie) soit parce qu'elle les stresse et les pousse hors de leur zone de confort) s'éloignent des apprenants.
D'autre part, de nouvelles plates-formes et outils proposent un enseignement différent.
Dans ces conditions, les plus motivés des élèves ont tendance à glisser dans une autre forme d'apprentissage, l'apprentissage fantôme.
Le risque est multiple pour la formation : perte de crédibilité (non-maîtrise des outils numériques par les enseignants), perte de contrôle des apprentissages (l'étudiant va se former avec des personnels ou des sites moins qualifiés) et pire, l'apprentissage fantôme peut déboucher sur des erreurs (fakenews prises pour du réel, fausse information transmise par un tiers de confiance, etc...).
Reste à voir dans quelle proportion cet apprentissage fantôme est utilisé actuellement et dans les semaines à venir et espérer que les apprentissages ne perdent pas en qualité, malgré des signes négatifs à ce sujet.
Stéphan Le Doaré
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