Plus de 400km de bouchons lundi dernier en Île-de-France. La colère des ambulanciers, taxis et auto-écoles s'est fait sentir pour contester la loi "mobilité" et la réforme à venir du permis de conduire. On y discutait de "casse de l'équilibre" entre VTC et taxis, de favoritisme des plates-formes internet face aux auto-écoles traditionnelles. Nous étions en fait ce jour-là devant un cas typique de destruction créatrice, engendré par la disruption des métiers traditionnels.
Prendre un Uber pour la première fois (pour ceux qui ne l'auraient pas fait !) est comme sauter le pas vers un autre monde. Une fois découverte cette expérience ludique des petites voitures noires sur la map, on n'a plus vraiment envie de "faire marche arrière". Une fois loué son premier Airbnb, on a beau dire, c'est quand même nettement mieux que la réservation d'hôtel de nos parents. Passer son code de la route, ou en tout cas se former et se préparer en ligne, où l'on veut et quand on veut, n'en déplaise aux professionnels, c'est bien plus pratique. Les auto-écoles étaient déjà montées au créneau quelques semaines plus tôt et le prétexte certes réel du prix de l'heure d'auto-école en conduite, plus chère et donc augmentant les coûts du permis, ne sera pas suffisant face à cette modification profonde de la manière d'accéder a ces services.
Petit retour en arrière... Souvenez-vous de ces magasins remplis de cassettes VHS à louer, pour donner à manger à nos chers magnétoscopes à bande. Il y avait même un endroit toujours un peu plus chaud, souvenez-vous... Ces magasins ont dû s'adapter ensuite au DVD, puis les DVD se sont retrouvés en distributeurs automatiques. Et puis.... Et puis, pouf, plus de magasin. Les gérants se sont reconvertis avec plus ou moins de bonheur (en vendeurs de vapoteuses, par exemple). C'est que la VOD (Video On Demand) et Netflix étaient passés par là. Ces commerçants-là n'ont même pas eu le temps de manifester.
Aujourd'hui quatre sociétés regroupées sous le vocable NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber) désagrègent un tissu économique en ringardisant la manière actuelle de travailler. 4 sociétés qui, même si elles n'ont pas le poids boursier de leurs ainés, les GAFA et BATX, ont une croissance exponentielle et s'imposent comme des leaders sur leurs marchés respectifs. Le dénominateur commun est d'exploiter la digitalisation de l'économie pour proposer leurs modèles disruptifs. L'expérience client est la clé dont le téléphone mobile est la serrure. Le smartphone a en fait remplacé tous les intermédiaires, le "big data" rend possible de personnaliser la relation à l'extrême et les algorithmes poussés permettent d'éliminer bon nombre d'actions rébarbatives auparavant confiées aux salariés (la gestion de planning est par exemple un problème à dénominateur commun, résolu et automatisé). On a donc vu des poids lourds (les NATU) se mettre à dialoguer avec des microbes (nous) d'égal à égal et, en tant que client, on aime ça. On aime être chouchoutés.
Mais voilà, comme disait Lavoisier, "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme". La richesse n'est pas perdue, elle est transformée, et même transférée sur les comptes en banque des NATU. Et bientôt, les entreprises concurrentes malheureuses ne pourront plus payer leurs salariés. Certaines auto-écoles ne pourront plus tourner, faute de chiffre d'affaires suffisant. Les taxis déjà dépassés par les Uber ne seront pas remplacés. Les jeunes générations, nées avec un écran dans la main, utilisent ces nouveaux services de manière naturelle et il est évident que les NATU vont continuer de dévorer des parts de marché. Ces anciens métiers sont pressés des deux côtés : du côté de cette nouvelle concurrence et du côté de cette nouvelle clientèle qui fuit leur modèle commercial désuet (comme ce mot, d'ailleurs, que plus personne n'emploie, à mon grand dam...).
Et comme ces populations vieillissantes n'ont ni l'envie ni le temps de changer, de se former, d'évoluer, il va falloir se préparer à partager le fromage entre de très nombreuses "souris jaunes"...
Stéphan Le Doaré
@stephanledoare
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